HISTOIRE
DE
SAINT-THOMAS-DE-COURCERIERS
(Mayenne)
Saint-Thomas-de-Courceriers est l’une des rares paroisses de ce coin de Mayenne à avoir gardé son charme d'autrefois. Nous l'avons découverte par un beau matin de septembre ; le bourg était désert, comme figé depuis des siècles autour de son église. Sur la place, des maisons qui n'ont pas changé avec pour quelques-unes de belles sculptures en granite sur les murs de façade. Tour autour de l'église, des rues étroites entre deux rangées de maisons aux hauts murs de grès et de granite. Dommage qu'au XIXe siècle, l'on ait remplacé la vieille église romane par une grande église au style gothique. C'était le temps, nous dira l'historien local, où chaque curé de paroisse voulait avoir un clocher plus haut que celui de son voisin.
Mis à part une ou deux maisons restaurées, pas de lotissement à l'entrée du bourg de Saint-Thomas-de-Courceriers, niché sur un piton rocheux, et resté comme figé dans le temps. Il y est particulièrement facile au visiteur parcourant les rues de ce bourg sur les pas de ses ancêtres, de les imaginer se rendant à la messe du dimanche, bavardant sur la place de l’église avant de se séparer après une courte halte chez le boulanger et redescendre à pied ou en carriole vers les différents villages de la paroisse.
Les ancêtres Ménage s'installèrent à Courceriers, tout au début du XVIIIe siècle. Jacques Mesnage et Julienne Tarot qui se marient le 19 janvier 1683, à Saint-Thomas, (les Tarot étant de Saint-Thomas) habitent tout d'abord à Saint-Aubin-du-Désert, paroisse d'origine de Jacques Mesnage. Ils déménagent à Saint-Thomas entre 1700, date de décès de leur fils Louis, enterré à Saint-Aubin-du-Désert et, le 21 avril 1704, date du baptême de leur fille Louise en l'église de Saint-Thomas-de-Courceriers.
Il nous a fallu chercher un bon moment avant de trouver une personne qui puisse nous renseigner et peut-être nous apporter quelques renseignements sur les Ménage à Courceriers. Une dame enfin découverte nous emmena voir Paul Dutertre, passionné d'histoire locale, qui s'empressa de répondre à nos questions. Mais avant de parler des Ménage à Courceriers, pour mieux comprendre les particularités de ce village, il nous faut en retracer rapidement quelques éléments de son histoire qui l'ont plus particulièrement façonné au cours des siècles.
Petite histoire de Saint-Thomas-de-Courceriers
Nous empruntons ces quelques données au site de l'Association Ensemble pour l'environnement et le patrimoine à Saint-Thomas qui a publié l'histoire de Courceriers écrite, en 1967, par un ancien curé de la paroisse, l'abbé Ch. L. Bossé. L'abbé Bossé dit s'être aidé pour son travail des recherches et des nombreux écrits de l'abbé Angot sur l'histoire de la Mayenne.
« De quelle manière César fit-il la conquête du Maine ? Ses chroniques militaires
écrites en latin et dont la traduction donne du fil à retordre aux élèves de 3e année
en études classiques n'en parlent pas. Toujours est-il que, la conquête achevée,
il s'organisa comme en pays conquis, à titre définitif, tout en menant de front son
administration civile et politique, économique et militaire. Des cités principales
devinrent les capitales de ses différentes administrations et ces cités étaient reliées
les unes aux autres par des voies plus ou moins importantes. Des cartes se rapportant
cette époque en indiquent le tracé et la direction ; un bon nombre de ces voies dont
plusieurs étaient pavées, subsistent encore de nos jours transformées en routes ou
devenues des chemins historiques servant souvent de limites à nos communes.
Jublains, en raison de sa situation géographique, fut choisie comme capitale pour la région des Diablaintes 1 et les souvenirs romains étaient nombreux dans son voisinage. Citons au hasard Sainte-Suzanne, Le Rubricaire, Crun, Courtalieru au sud et à l'ouest, Mayenne au nord, le Montaigu et Courceriers à l'est.
C'est dans cette direction Est que passe la voie de Jublains à Chartres. Elle quitte Jublains pour passer successivement dans le bois de Tay à Hambers, à Bais, à Saint-Martin de Trans et à Voisins également en Trans. Elle sert de limite nord à Saint-Thomas-de-Courceriers sous le nom de Chemin de Vaux de Crou, pour devenir la route de Saint-Mars-du-Désert à partir de la Croix Lambert à la sortie du bourg et pour continuer sa course vers Chartres par Saint -Georges –le-Gautier, Fresnay, Nogent–le-Rotrou.
Cette voie fut construite par l’armée romaine vraisemblablement dès le début de l'occupation pour devenir avant tout une artère militaire principale. Son tracé correspond à cent pour cent à la tactique militaire de César. Pour éviter les embuscades de la part des tribus mal soumises, avides de « résistance, de revanche et de Libération du territoire », les troupes d’occupation se devaient de tenir les crêtes. La surveillance sur deux versants garantissait l’occupant contre les surprises et donnait l’avantage immédiat dans tout combat éventuel.
Mais pour permettre aux troupes de circuler rapidement à la mesure des besoins, il ne suffisait pas de tenir les crêtes en assurant sa propre sécurité. Il fallait aussi assurer la sécurité du parcours en le jalonnant par des postes d'éclaireurs susceptibles de donner l'alerte et par des points de halte où les troupes en mouvement seraient en sécurité. Courceriers est l’un de ces points stratégiques en bordure de voie de Chartres et ce fut certainement l'origine du premier Courceriers sous les ordres et la responsabilité de César lui-même, comme son nom l'indique : Curia Coesaris, Curie de César, lieu prit en charge et aménagé par les soins personnels de César... qui a donné Courceriers.
Mais ce point de défense ne parut sans doute pas suffisant à César. Il compléta donc cette défense mais d'une façon originale. Écoutons encore ce que nous dit l'abbé Bossé :
À deux kilomètres au sud, les crêtes d'Orthe marquaient la fin de la forêt de Sillé dont César pouvait garder des souvenirs militaires cruels. Dans cette partie sud, il fallait éviter les attaques mancelles où la Vandelle qui n'a que deux mètres de large, ne constitue aucune défense naturelle. C’est alors que les Romains décidèrent de fortifier la vallée dans deux sens.
On entreprit de barrer la vallée de la Vandelle entre les fermes actuelles du Perron et de la Mériazière. Ce barrage qui existe toujours et qui n'est coupé que par la route actuelle, inondait la vallée depuis le Perron jusqu'à la Touche et l'étang ainsi constitué formait une défense aquatique de deux kilomètres de long sur 200 mètres de large en moyenne.
Évidemment, il fallait occuper militairement ce point de défense. Qu'elle était à l'époque, l'importance de la troupe romaine dans ce point stratégique ? De quoi se composait sa garnison ? Les soldats vivaient-ils sous la tente ou dans un fort ? César y eut-il, de son vivant, une villa personnelle ? Autant de questions qui restent sans réponse. Ce qui est certain, c'est que, pendant les quatre siècles de l'occupation romaine, Courceriers est demeuré un poste militaire stratégique que la garnison a fortifié de tous côtés. En plus de l'étang dont nous venons de parler et qui défendait le Sud, plusieurs autres barrages superposés barraient la vallée Est : l'allée de Roineau en franchit un à son origine et un autre existe encore dans l'herbage de Roineau à proximité de la ferme de la Barre. Enfin, à l'Est, le taillis appelé le Traquenard, évoque par son nom un lieu de défense, de riposte et de mise en déroute. C'est de cette époque que date aussi le petit pont à trois arches qui franchit la Vandelle au Perron, et tout le monde dans la paroisse, connaît le Pont romain.
Ainsi, de toutes parts, au sud, à l'Est et à l'Ouest, Courceriers était fortifié et défendu. De la voie militaire qui passait à moins de 1 000 mètres au nord, les troupes pouvaient aborder, pour faire halte ou séjourner. À proximité était Montméard (en Courcité), autre lieu romain militaire mais plus pacifique sans doute, puisque c'est là que se trouvait, au Mont Mars, le temple de Mars, dieu de la guerre. La chapelle qui s’y est bâtie en est le souvenir christianisé.
Au Moyen Âge, la baronnie de Courceriers s'élevait sur le territoire paroissial actuel, mais sa juridiction s'étendait aussi sur Bais, Champgenéteux et Couptrain. La seigneurial avait haute, moyenne et basse justice et relevait de Mayenne. Pendant la guerre de Cent Ans, le château féodal tombe aux mains des Anglais. À la fin de la guerre de Cent Ans, le château était ruiné ; ne subsistait dit l'abbé Bossé que les remparts, des pans de murs, le logis du seigneur et surtout les deux tours du donjon.
En 1575, le château étant détruit, on mentionne encore les anciennes murailles et places du chastel, les dites murailles en partie tombées, les fossés et douves à l'entour, une motte attenant au vieil chastel, le vieil fossé entre deux, laquelle motte est ronde et fort belle, enfin, la grande maison seigneuriale et la chapelle de Monsieur de St Jean 2.
François de Plessis Châtillon qui avait fait bâtir le premier château en 1590 et qui mourut, en 1605, eut son fils René comme successeur. Il se titrait Baron de Courceriers. Ayant épousé Renée de Poisieux, le 25 Juillet 1590, il mourut en mai 1629, sans enfant. La seigneurie passa alors à Guillaume du Bois, fils de Nicole du Plessis Chatillon, épousée en 1621, le 11 mai, et héritière de François, son frère.
C’est Guillaume du Bois qui fit construire, vers 1650, le second château accolé au premier et qui imite son style néogrec, mais en plus soigné, avec des décors et des mouvements. Les deux logis étaient reliés par une petite tour surmontée d’un clocheton. La construction est entièrement en granite, y compris les linteaux de cheminées, les frontons sculptés, et les escaliers tant extérieurs qu’intérieurs.
D’autres bâtiments furent construits et divers aménagements pratiqués à la même époque notamment la ferme du Portail dont la maison est toute en granite aussi, avec de beaux frontons. C’est là, à 500 mètres du château, que se trouve l’entrée de la cour. Un pavillon servait de portail. Bâti en pierre de taille, soigneusement appareillé, décoré de deux larges frontons cintrés et d’une corniche modillon, il porte la date de 1667. Une autre date se retrouve sur la cheminée de la maison de ferme au chiffre de Guillaume de Bois et de Nicole du Plessis – 1666. Le portail est couvert et comporte un étage qui servait de colombier. Les couvertures cintrées ont été murées pour donner une cave à la ferme. Primitivement, l’allée du château qui passait sous ce portail se prolongeait en ligne droite vers l’ouest jusqu’à la route du Bas-Aulnay et, toujours en ligne droite, par la Rabine jusqu’à la route d’Izé qu’elle atteignait à la Chapelle des Rues. L'allée est devenue la route de Saint-Thomas à Saint-Germain... L'allée ne passe plus sous le portail, mais le contourne et y fait un angle droit pour accéder plus directement au bourg. »
En quittant le bourg de Saint-Thomas en direction de Saint-Germain l'on contourne en effet ce fameux portail et les bâtiments de cette ferme du Portail dont les linteaux de la grange portent l'année 1657, année de leur construction. Dommage qu'un si bel édifice soit dans un état de semi abandon, mais les toitures de la grange ont été réparées ce qui démontre un souci de conservation de la part de leur propriétaire actuel. Espérons que ces magnifiques vestiges ne connaissent pas le triste sort du vieux château féodal que les propriétaires ont détruit en 1961. L'abbé Bossé note que les habitants ont déploré la disparition de ce château dont ils étaient fiers. Du château, il reste aujourd'hui encore d'importantes ruines, plusieurs bâtiments dont la chapelle ainsi que le logis.
C'est au cimetière que nous avons retrouvé la trace des Ménage. Tout d'abord, la tombe d'un grand-oncle, René Ménage, né et décédé au village de la Chevalerie et de son épouse Dame Renée Chedbois et de leur fille. Mais, c'est une autre tombe qui a autrefois intrigué les habitants nous a dit M. Dutertre ; étant enfants, il l'appelait La tombe aux chaînes. Ce beau tombeau de granite entouré de lourdes chaînes en bronze intriguait, car contrairement à toutes les autres tombes du cimetière de ce pays si catholique, elle ne portait pas de croix. Nous avons pu identifier cette tombe. Il s'agit de celle de René Jacques Honoré Ménage (1835-1918), fils du grand-oncle dont nous avons parlé ci-dessus, ancien notaire et, sans doute resté fidèle jusqu'à sa mort à la Petite Église. Sa grand-mère, Marie Malnuit, avait été une adepte de la Petite Église parmi les plus actives dans ce coin de Mayenne.
Reste à retrouver la trace des Ménage dans les villages du Bas-Aulnay et surtout de Beauvais, villages où vécurent les ancêtres de 1704 jusqu'aux environs de 1850, datent de leur départ pour la ferme de Montaglan dans la paroisse voisine de Courcité.
Jean Faucheux 2015
1. Diablintes : Peuple qui habitait cette région du Maine au moment de la conquête de la Gaule par Jules César.
2. Au XVIe et XVIIe siècle, l'on ne parlait pas de saint Jean, de saint Jacques... mais de Monsieur saint Jean, de Monsieur saint Jacques...
http://www.saint-thomas-de-courceriers.eu/
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